Pas de réseau sous les étoiles

L’amour brille sous les étoiles, d’une étrange lumière… Si tu aimes regarder le ciel et compter les étoiles filantes, tu as dû apercevoir dès mai 2021 cette ribambelle de points scintillants dans le ciel d’été. 

Personnellement, j’ai été assez horrifiée quand j’ai vu passer tous ces satellites à la queue leu leu et j’ai un instant pensé que les extraterrestres existaient.  Après une recherche google je me suis vite aperçue qu’il n’en était rien. Loin d’être des étoiles, ce sont les satellites du projet Starlink.

 

D’après sa page wikipédia, Starlink est une “constellation de satellites” fondée et gérée par Space X. À ce jour, près de 2000 satellites sont déjà en orbite autour de la terre pour donner accès à internet plus rapidement.  

 

La mise en orbite d’un projet d’une telle ampleur a assez vite attiré ma curiosité de juriste ! Est-ce que l’on a le droit d’envoyer comme ça des objets autour de la terre ? 

 

Raisonnons par étape, d’abord est-ce qu’il existe du droit dans l’espace ? 

L’espace n’appartient a aucun Etat en particulier (un peu comme les océans et la haute mer)… Or, un État ne peut écrire des lois que pour son territoire. Donc, l’État français ne peut pas prendre une loi qui régisse l’espace et qui serait valable pour tous les humains de la terre. 

 

Pour autant, l’espace n’est pas le Far West. Pendant la course à l’espace, les États ont estimé qu’il était important que certaines règles existent pour garantir la paix dans l’espace. 

Ils ont passé des sortes de contrats appelées conventions internationales pour poser des règles de bien vivre ensemble. Par exemple, il existe une convention pour porter secours aux spationautes. La convention la plus importante est le traité de l’Espace signé le 27 janvier 1967[1]. C’est une sorte de traité de la Paix dans l’espace. Négocié en pleine Guerre froide, il assure que l’espace ne devienne jamais un champ de bataille militaire et permet à tous les États de l’explorer et de l’utiliser librement.

 

Il existe donc bien du droit de l’espace, mais qui ne vaut que pour les États entre eux. 

 

Mais alors existe t-il des règles à respecter pour les personnes privées comme Space X ?

Pour son projet Starlink, Space X a reçu une autorisation de la part de l’agence fédérale des communications américaine (un peu l’équivalent de notre ARCEP) pour lancer 12 000 satellites d’ici 2025.  Mais est-il possible qu’un État puisse prendre une décision sur l’espace qui potentiellement impacte la vision du ciel de tous les humains ? 

 

La réponse est oui !  Le traité de l’Espace prévoit que seuls les États sont libres d’explorer et d’utiliser l’espace à des fins pacifiques. Mais un de ces articles autorise les entreprises (ou les personnes) privées à utiliser l’espace si elles ont obtenu une autorisation de leur État de rattachement[2]

 

Mais alors, que peut dire la France à Space X ?

 

Tu l’auras compris, la France ne pourrait donc pas, si elle le voulait, empêcher les satellites de Space X autorisés par les Etats-Unis à nous survoler.

 

À défaut d’empêcher Starlink, la France peut toujours gouverner les ondes sur son territoire.

 

On vous en a déjà parlé à propos de la 5G, en France les fréquences hertziennes appartiennent à l’État[3]. Pour pouvoir les utiliser, il faut donc demander une autorisation à l’État et payer une redevance. 

 

En l’occurrence, c’est l’ARCEP qui est chargée d’attribuer et de gérer les fréquences radiotéléphoniques aux personnes qui souhaitent les utiliser. Cela peut être des chaînes de télévision, de radio, mais aussi des fournisseurs de téléphonie ou d’internet !

 

Conformément au droit français, Starlink a demandé et obtenu l’autorisation d’utiliser les ondes françaises pour fournir internet à de futurs abonnés. Ce nouveau venu sur le marché des fournisseurs d’internet est susceptible de complètement bouleverser le marché… et d’avoir un impact sur les consommateurs. En avril dernier, le Conseil d’État a annulé cette décision[4], car l’ARCEP n’avait pas consulté les français comme elle était tenue de le faire dans ces conditions… Puisque son autorisation a été annulée, Starlink doit recommencer toute la procédure d’autorisation si l’entreprise tient à utiliser les ondes françaises. 

 

Pour l’instant, l’on peut admirer la ribambelle de satellites de Starlink, mais pas profiter du réseau internet ultra rapide qu’il permet.  

 

***

 

[1]  Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, conclu le 27 janvier 1967, couramment appelé le Traité de l’Espace.

[2] Traité de l’Espace, article VI.

[3] Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), article L.2111-17

[4] CE 5 avril 2022, N° 455321, https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-04-05/455321

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