Paris 2024 – Dans les coulisses des batailles judiciaires : interview de l’avocat des jardiniers d’Aubervilliers (2/2)

Pour les JO 2024, il était prévu de construire un très grand centre nautique avec piscine olympique, solarium, restaurant, plage minérale et bassins extérieurs… sur les jardins ouvriers de la commune d’Aubervilliers.

Après une véritable saga judiciaire à suspense que Robin des droits a résumé pour toi, une partie des jardins a été sauvée par le droit.

Mais comme les tractopelles étaient passés par là avant que le juge ne se prononce, ils ont été détruits, et le projet de centre nautique quelque peu relooké par le juge !

Robin des Droits a rencontré Me Pierre Heddi, l’avocat des jardiniers et associations qui ont défendu avec ferveur les jardins d’Aubervilliers.

 

Robin des Droits :

Les jardins d’Aubervilliers ont été détruits par les tractopelles il y a plusieurs mois déjà, et ce malgré les décisions de la Cour administrative d’appel de Paris. Certains militants perçoivent cette année de rebondissements judiciaires comme un échec.

Qu’en penses-tu Pierre ? La justice est-elle utile dans la protection de l’environnement ?

 

Me Pierre Heddi :

Selon moi, les recours en justice étaient utiles, car nous avons obtenu tout ce que l’on pouvait obtenir de la justice.


Traduction Robin des droits : Même si l’on peut comprendre le sentiment amer des habitants et militants, le procès était utile ! On peut même le qualifier de victoire juridique ! Point vocabulaire : saisir la justice permet de faire valoir ses droits. Le recours est l’action par laquelle quelqu’un (le justiciable) saisit la justice pour faire trancher une question par le juge dans le cadre d’un procès. On parle d’action en justice.

 

 

Nous avons fait évoluer le projet de centre nautique et en cela, renversé le rapport de force. La ville d’Aubervilliers a été contrainte de modifier rapidement le projet de centre aquatique le plus rapidement possible, et ce, même avant la décision du juge.

Le juge a indiqué très clairement qu’il est impossible d’urbaniser un hectare de jardins. C’est une protection juridique supplémentaire pour les jardins d’Aubervilliers. L’administration devra donc en tenir compte à l’avenir, en modifiant les documents d’urbanisme. La population pourra également être force de proposition pour réclamer une protection juridique plus robuste des jardins.

Traduction Robin des droits : le juge interdit à l’établissement public de coopération intercommunale Plaine Commune Grand Paris – qui est chargé de délimiter les zones constructibles à Aubervilliers et en Seine-Saint-Denis – d’autoriser les constructions sur un hectare de jardins. En revanche, c’est à Plaine Commune de décider du détail. Mais pas que ! La modification des documents d’urbanisme est soumise à enquête publique : si tu veux donner ton avis, c’est par ici.

 

 

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que cette saga judiciaire permettra de ré-enclencher le dialogue pour la remise en état de ces parcelles, détruites par les tractopelles.

Dès le mois de mars, la ville d’Aubervilliers annonçait spontanément qu’elle allait remettre en état les parties détruites. Cette prise de position n’est pas neutre. L’avenir nous dira ce qu’il en est réellement.

Traduction Robin des droits : La Ville s’est engagée à remettre en état une partie des jardins. Affaire à suivre ! Ce contentieux permet d’aborder la modification des documents d’urbanisme avec des arguments juridiques pour protéger une partie des jardins. Plus encore, ce contentieux crée certainement un rapport de force politique, favorable à la protection de l’environnement dans les projets d’urbanisation.

 

D’une manière plus générale, ce type de contentieux doit conduire les décideurs à s’interroger davantage sur les conséquences de leurs décisions à l’égard de l’environnement. Dans notre cas, les inconvénients du projet étaient connus de tous dès l’origine et l’administration s’est malheureusement entêtée dans ses erreurs. La situation à l’arrivée n’est pleinement satisfaisante pour personne : les parcelles sont détruites et le projet retardé d’une année.

Traduction Robin des droits : la saga du centre nautique d’Aubervilliers aura un impact politique à Aubervilliers, et même dans une partie du Grand Paris[1]. On suppose qu’à l’avenir, les maires feront beaucoup plus attention à l’environnement lorsqu’ils décideront d’attribuer un permis de construire. L’environnement sera mieux pris en compte. Autant s’éviter une nouvelle série judiciaire !

 

 

Le retour des jardins partagés sur cette parcelle ? Qui sait, tout doit encore être imaginé !

[1] La ville d’Aubervilliers élabore son document d’urbanisme – ce qu’il faut que l’on respecte lorsqu’on construit notre maison notamment – avec d’autres communes de la Seine-Saint-Denis, qui se sont réunies au sein de ce qu’on appelle barbarement un “Établissement public de coopération intercommunale”.

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