Paris 2024 – Mon potager sert de piscine olympique (1/2)

Paris 2024, ça vous parle ? Paris, ou plutôt, la France, a été choisie pour accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques à l’été 2024.

De la Tour Eiffel au Stade de Marseille, en passant par le Château de Versailles et les jardins d’Aubervilliers, les Jeux se tiendront dans tout l’Hexagone.

Et là vous vous dites, mais quel est le rapport entre les JO et le droit ? Robin des droits vous explique.

La réalisation des infrastructures nécessaires à l’accueil des JO comme les stades, les piscines ou le village des athlètes suppose l’obtention d’autorisations, tels que les permis de construire[1].

Vous en avez peut-être entendu parler, plusieurs projets d’infrastructures ont été contestés devant le juge.

Cela a été le cas pour le centre aquatique d’Aubervilliers au coeur d’une véritable saga judiciaire.

Le dernier épisode du feuilleton du “centre nautique d’Aubervilliers” est sorti le 7 juillet, lorsque le juge a pris une décision définitive. Breaking news, le projet initialement prévu a été bien modifié !

En droit, l’on parle de “validation partielle du projet de centre nautique qui accueillera les athlètes lors des JO”.

Validation partielle ? On vous explique.

 

Episode 0 : Bien plus qu’une piscine olympique

Au départ, le projet de centre nautique autorisé par le maire d’Aubervilliers[2] comprenait évidemment une piscine olympique, mais également un espace bien-être, des espaces de fitness, une plage minérale, un solarium et un restaurant.

Les espaces bien-être, la plage minérale et le solarium devaient être construits sur les jardins ouvriers centenaires d’Aubervilliers. Le reste du projet, sur un terrain accueillant une gare routière (bus RATP) et un parking. Vous en avez peut-être entendu parler, les riverains se sont mobilisés pour la protection des jardins.

A la suite de nombreuses décisions du juge, la Ville d’Aubervilliers a modifié le projet, pour se conformer aux différentes décisions.

 

Episode n°1 : plus d’arbres et de vélos

Tout d’abord, à la suite de la suspension du permis de construire en septembre 2021 par le juge, le maire d’Aubervilliers a corrigé le permis initial en modifiant le nombre d’arbres à replanter – insuffisant au départ – et en remplaçant le restaurant par un espace “forme et bien-être”. Autrement dit, une salle de sport.

L’objectif de ces modifications est de rendre le permis conforme aux documents d’urbanisme. Ces documents ont pour fonction de fixer les règles de construction pour chaque espace, pour assurer le “vivre-ensemble” et la préservation de l’environnement et des paysages notamment. Pour cela, les documents d’urbanisme précisent ce qui peut ou ne peut être construit sur une zone dédiée.

Or d’après ces documents, sur la zone d’implantation de cette piscine olympique seuls peuvent être construits des “équipements collectifs d’intérêt public”, ce qui n’est pas le cas d’un restaurant.

En octobre 2021, le projet de centre nautique est modifié pour la première fois. Exit le restaurant, bonjour les arbres replantés et les places de vélo supplémentaires !

 

Episode n°2 : Pas touche au jardins ouvriers… mais les tractopelles sont déjà passées

Nouveau rebondissement, en février 2022[3], le juge rappelle que l’artificialisation des jardins porte atteinte à la préservation d’un noyau de biodiversité primaire et accroît les discontinuités écologiques existantes. A ce titre, il annule le classement d’un hectare de jardins en zone constructible.

Le maire d’Aubervilliers revoit donc sa copie, et modifie une nouvelle fois le permis. Cette fois, le centre nautique ne comporte plus de solarium. Petit bémol… Si la terrasse qui artificialise 4000 m2 de parcelles vivrières est supprimée du projet, dans les faits, les tractopelles ont déjà détruit les jardins.

Le droit et la réalité, parfois décalés. Si ce sujet t’intéresse on t’invite à lire l’interview de Me Pierre Heddi sur notre site !

 

Episode n°3 : Une piscine, et rien qu’une piscine

Le 7 juillet, la justice a partiellement validé ce projet de centre nautique revisité. Tous les équipements extérieurs ont été supprimés, ciao le solarium, la plage minérale et les bassins extérieurs.

 

Episode n°4 : Et mon potager dans tout ça ? 

Une petite partie de la zone des jardins est sacralisée juridiquement et devra être remise en état. L’autre partie, bien plus importante, est dans le flou. Par un mécanisme juridique fort complexe[4], le sort d’une partie des jardins doit encore être tranché par Plaine Commune Grand Paris, l’intercommunalité qui regroupe plusieurs communes de la Seine-Saint-Denis, dont Aubervilliers.

Ce qui est certain, c’est qu’il sera impossible d’urbaniser un hectare de ces jardins. Le juge a dit non !

 

Affaire à suivre donc !

 

Ps : si tu veux en savoir plus sur les coulisses de cette saga on te donne rendez-vous ici pour une interview de l’avocat de l’association des jardins d’Aubervilliers.

 

[1] Ces autorisations peuvent être attaquées devant le juge, la Cour administrative d’appel de Paris. Et oui, pour les JO, les recours sont dérogatoires, on va directement en appel, pour gagner du temps !

[2] Arrêté du 21 juillet 2021

[3] CAA Paris, 10 février 2022, n°21PA02476.

[4] La décision de la Cour administrative d’appel de Paris du 10 février 2022 ordonne à Plaine Commune Grand Paris de modifier le document d’urbanisme qui autorise les constructions sur une partie des jardins, excédant ce qui est nécessaire à la réalisation de la piscine olympique, et du Grand Paris Express. En attendant ce nouveau document d’urbanisme, les jardins sont régis par deux documents distincts (le vieux plan local d’urbanisme intercommunal et l’actuellement en vigueur, pour les parties qui n’ont pas été annulées par le juge).

 

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