« MonseignOr, il est l’Or…» de penser à l’environnement !

Dans les plus précieux bijoux, dans les alliances de nos mariages, dans les deux médailles olympiques de Quentin Fillon-Maillet, mais aussi dans nos téléphones et autres objets connectés… aujourd’hui, Robin des droits vous parle d’or !

Si quelques filières durables et éthiques se constituent pour proposer des bijoux dont l’impact environnemental et social est le plus faible possible, les mines d’or restent partout une vraie source de pollution. En Guyane française, certains sites d’orpaillage, légaux ou illégaux, utilisent encore massivement du cyanure.

L’exploitation minière de l’or est donc réglementée et encadrée. Mais pas uniquement par le code de l’environnement. En France, il existe un code spécial pour l’exploitation des mines : le code minier ! Le vendredi 18 février 2022, le Conseil constitutionnel (le seul juge compétent pour protéger la Constitution française) a dû se pencher sur la conformité de certains articles du code minier avec la Constitution[2]. Conclusion ? Il est temps de mieux prendre en compte l’environnement dans le droit des mines (d’or).

Le droit de la mine : imaginez-vous chercheurs d’or

Si votre jardin regorgeait de pépites d’or, auriez-vous le droit d’y creuser des galeries pour les récupérer ?

D’abord, il faut bien savoir qu’en France, le propriétaire d’un sol l’est théoriquement jusqu’au centre de la Terre[3]. Et il peut faire ce qu’il veut de ce sous-sol… sauf pour l’exploitation des minerais[4].  Pour l’instant, vous n’êtes pas plus avancé dans votre recherche d’or. 

Les minerais et certaines matières (hydrocarbures par exemple), sont précieux et ont très vite été considérés comme des sources de richesses nationales essentielles et stratégiques[5]. Dès que ces matières sont découvertes, la partie de sol qui les contient est considérée appartenir à l’État[6]. Dommage, vous n’êtes pas propriétaires des pépites !

Pour exploiter des ressources nationales, il faut obtenir une concession minière et une autorisation d’ouverture des travaux. Une concession minière, c’est une sorte de contrat passé entre l’État et le chercheur d’or, l’autorisant à exploiter la mine moyennant le paiement d’une contribution financière à l’Etat.

Avant de pouvoir creuser votre jardin, il vous faudra donc convaincre l’Etat de vous attribuer une concession. Et comme les ressources minières sont stratégiques, l’intérêt général veut que celui qui obtienne le droit de les exploiter soit le plus compétent.

Votre odyssée de chercheur d’or s’arrêterait donc probablement ici, faute pour vous d’avoir les compétences et les finances nécessaires pour un tel projet.

Chercheurs d’or pendant 50 ans 

Aujourd’hui, la durée des concessions est limitée dans le temps (en général à 50 ans[7]), mais cela n’a pas toujours été le cas. En 1810, les concessions étaient perpétuelles et donc illimitées dans le temps. Jackpot à vie pour les chercheurs d’or. 

Le 31 décembre 2018, toutes les concessions perpétuelles ont expiré[8]. Pour pouvoir continuer leurs activités d’extraction, les exploitants de ces mines devaient obtenir une prolongation de leur concession. En pratique, la prolongation leur était accordée automatiquement s’ils exploitaient toujours le gisement au 31 décembre 2018[9].

Et l’environnement dans tout ça ?

Au stade du renouvellement des concessions, les impacts environnementaux de l’exploitation minière n’étaient ni mesurés ni pris en compte. Aucun texte de loi ne l’obligeait !  Et pourtant, toute activité extractive cause nécessairement des impacts sur l’environnement et la qualité de vie des riverains.

Les débats sur la loi Climat ont été l’occasion de modifier la loi sur ce point. Depuis le 22 août 2021[10], l’Etat peut imposer un cahier des charges à l’exploitant et même refuser de renouveler une concession si le projet risque de porter une atteinte grave à l’environnement[11]. A compter du 1er janvier 2024, il faudra même fournir une analyse environnementale pour s’assurer que le renouvellement des concessions minières prenne en compte les impacts environnementaux et sociaux[12].  

Mais le mal était fait. Pendant plus de  3 ans[13],  les anciens titulaires de concessions perpétuelles ont pu obtenir le droit de continuer à exploiter les mines pour 25 années supplémentaires sans que les impacts de l’exploitation soient pris en compte.

Et là, vous voyez tout de suite ce qu’il a pu se passer. Certaines associations environnementales ont saisi le juge. Elles estiment que ce n’est pas normal de pouvoir exploiter des mines sans évaluer les impacts environnementaux de cette activité. On arrive enfin à cette décision du Conseil constitutionnel.

Dans la décision du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel estime que le fait qu’il fut possible de demander le renouvellement de concession minière pour 25 ans sans prendre en compte du tout l’environnement est contraire à la Charte de l’environnement (qui fait partie de la Constitution). Il donne raison aux associations environnementales. En pratique, cela va leur permettre de contester les renouvellements des concessions qui ont eu lieu avant le 22 août 2022.

 


Mais au fait c’est quoi le Conseil constitutionnel ?

Le Conseil constitutionnel est le seul juge qui peut vérifier que la loi est conforme à la Constitution française : on parle alors de contrôle de constitutionnalité. Il peut effectuer ce contrôle à deux moments. Soit au moment où la loi est votée à la demande de 70 sénateurs ou députés ; soit au cours d’un litige quand l’une des parties estime que la loi bafoue les droits protégés par la Constitution. On parle alors de question prioritaire de constitutionnalité (ou QPC). On se place ici dans le deuxième cas de figure.


 

***

[1] La folie des grandeurs.

[2] La décision peut être lue ici.

[3] Code civil, article 552 « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».

[4] Code civil, article 552 « Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre ” Des servitudes ou services fonciers “.

Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police ».

[5] Une loi de 1710 posait déjà le principe que les « mines et les minières sont à disposition de la nation » (Loi du 28 juillet 1791 relative aux mines, article 1).

[6] Code minier, article L.100-3. D’ailleurs, à l’issue de la concession, le gisement revient gratuitement  à l’Etat (Code minier, article L.132-13).

[7] Code minier, article L.132-11.

[8] Code minier, article L.144-4.

[9] La seule condition était d’être exploitant au préalable.  Code minier, article. L.144-4.

[10] Date de l’entrée en vigueur de la loi Climat.

[11] Code minier, article L.114-3, II.

[12] Code minier, article L.114-1 (entrée en vigueur à venir)

[13] Entre le 31 décembre 2018 et le 22 août 2022.

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