Lutte contre l’artificialisation des sols : le droit au service de la biodiversité ?

Vous souhaitez construire la maison de vos rêves ? Votre voisin agrandit la sienne ? Un immeuble se construit sur le seul espace libre de votre rue ?

Cet article est fait pour vous ! Malgré son nom barbare, l’artificialisation des sols nous concerne tous, au quotidien.

L’habitat contribue à près de la moitié du rythme d’artificialisation des sols.

Pourtant, l’artificialisation des sols joue un rôle essentiel dans la perte de biodiversité à l’échelle mondiale, mais également dans la production de déchets et la consommation d’énergie.

Or la France est l’un des pays les plus artificialisés de l’Union européenne[1], avec 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers consommés chaque année en moyenne[2]. C’est 15% de plus qu’en Allemagne et 57% de plus qu’au Royaume-Uni ou en Espagne ![3]

La loi Climat & Résilience, que Robin des droits a déjà largement décryptée, fixe l’objectif d’atteindre “Zéro Artificialisation Nette” des sols en 2050. A plus court terme, cette loi a établi l’objectif de réduction de moitié du rythme de consommation d’espaces dans les dix prochaines années, à horizon 2031. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? La suite de l’article vous livre les réponses.

Ces dernières semaines, le public a pu donner son  avis sur les décrets qui viennent préciser la loi.

Robin des droits en profite pour aborder la question de l’artificialisation des sols, enjeu cardinal de la transition écologique. Là encore, le droit y est pour quelque chose !

Le contenu des décrets a été soumis à l’avis du public : si vous souhaitez lire les commentaires, c’est par ici.

Projet de décret relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme

Projet de décret relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Projet de décret relatif au rapport local de suivi de l’artificialisation des sols

 

Les objectifs portés par la loi Climat & Résilience ne modifient pas fondamentalement le droit de l’urbanisme, qui consacre depuis des années le principe d’utilisation économe des espaces (1983 pour être exact !).

Seulement, entre 1995 et aujourd’hui, les zones urbaines sont passées d’une occupation d’un tiers de la surface du territoire, à près de la moitié. Peu efficace, le principe d’utilisation économe des espaces !

La loi Climat & Résilience, en instaurant un certain nombre d’outils, semble enfin rendre effectif ce principe. Le succès de cette démarche reposera sur nos élus locaux, chargés de la rédaction des documents de planification d’urbanisme.

Tout d’abord, la loi impose une définition des notions d’artificialisation, d’artificialisation nette, de désartificialisation[4](ou renaturation d’un sol), de surface artificialisée[5] et de surface non artificialisée[6]. On sait enfin de quoi on parle !

Notamment, l’artificialisation est “l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage[7].

Dès lors, l’artificialisation nette des sols correspond au “solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés”.

En somme, si l’on bétonne d’une part, on devra compenser d’autre part, en effectuant le chemin inverse, c’est-à-dire en renaturant pour recréer un écosystème vivant et diversifié.

La loi précise ensuite que l’absence d’artificialisation nette des sols doit passer par un équilibre entre :

  • la maîtrise de l’étalement urbain ;
  • le renouvellement urbain ;
  • l’optimisation de la densité des espaces urbanisés ;
  • la qualité urbaine ;
  • la préservation et la restauration de la biodiversité et de la nature en ville ;
  • la protection des sols des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
  • la renaturation des sols artificialisés.

La loi – en principe applicable uniformément sur le territoire français – confie ensuite aux collectivités territoriales la tâche d’établir une trajectoire permettant d’atteindre l’objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols en 2050.

Cette tâche passe par la rédaction des documents de planification urbaine chargés d’organiser les territoires. Au nom très souvent barbares (SRADDET[8], SCOT[9], PLU), ces documents façonnent nos espaces de vie et jouent un rôle – direct ou indirect – sur le succès de vos demandes d’autorisation d’urbanisme.

Ces documents devront donc évoluer afin de respecter les objectifs de sobriété foncière fixés par le législateur. A défaut, le juge pourra probablement sanctionner le non-respect de ces objectifs en annulant le document d’urbanisme, qui devra donc être modifié.

Ces règles façonneront les futurs paysages français : les gratte-ciels vont-ils remplacer les lotissements français ? Verdict dans quelques années !

 

 

 

[1] France stratégie, Rapport au ministre de la Transition écologique et solidaire, au ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales et au ministre chargé de la Ville et du Logement, Objectif “Zéro artificialisation nette” : quels leviers pour protéger les sols ? 2019

[2] Rapport de présentation du projet d’ordonnance relative à la rationalisation de procédures d’urbanisme et environnementales pour des projets en faveur de la lutte contre l’artificialisation des sols, 11 avril 2022

[3] Etude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 412

[4] La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé (article L.101-2-1 du code de l’urbanisme).

[5] Surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites (article L.101-2-1 du code de l’urbanisme).

[6] Surface soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures (article L.101-2-1 du code de l’urbanisme).

[7] Article L.101-2-1 du code de l’urbanisme.

[8] Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, élaboré par les régions.

[9] Schéma de cohérence territoriale, élaboré par les groupements de communes (établissement public de coopération intercommunale ou syndicat mixte).

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