Stop aux énergies fossiles : les associations mettent en demeure BNP Paribas

 

Juriste (presque en herbe), Clara a découvert les problématiques liées à l’environnement durant ses études en droit de l’urbanisme et de la construction. Originaire de la campagne lorraine, elle est désormais installée à Paris où elle souhaite devenir avocate.
Pétillante comme le champagne, elle contribue au projet Robin des droits et signe son premier article. Bonne lecture !

***

Le 26 octobre 2022, 3 associations (Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous, Oxfam France) ont mis en demeure la société BNP Paribas de cesser le financement des énergies fossiles et de se conformer à la loi sur le devoir de vigilance de 2017.

Les associations indiquent vouloir saisir la justice si BNP Paribas ne s’engage pas à arrêter de financer les projets pétroliers et gaziers et les entreprises qui prévoient de financer de tels projets.

Rappelez-vous, ces mêmes associations ont mis en cause l’Etat français pour les conséquences de son inaction climatique et ont réussi à obtenir sa condamnation en octobre 2021. C’était « l’Affaire du siècle »[1].

L’Etat est de plus en plus souvent mis face à ses responsabilités dans son rôle sur les conséquences du réchauffement climatique par des associations de protection de l’environnement.

Mais ces associations agissent également contre des grands groupes, telle que la banque BNP Paribas ou le grand pétrolier Total. 

Les associations ont-elles vraiment le pouvoir de le faire ? A quoi ça sert ? Robin des droits décrypte cette action.

 

  • BNP Paribas mise en demeure. Pourquoi ?

 

Les 3 associations ont adressé une mise en demeure au groupe BNP Paribas pour que le groupe bancaire respecte les obligations légales qui s’imposent à lui en matière de devoir de vigilance et de risques liés au changement climatique.

Une telle mise en demeure est prévue par la loi sur le plan de vigilance[2], dont Robin des droits vous a déjà parlé https://robindesdroits.fr/production-en-masse-problemes-en-masse/

Dans leur mise en demeure[3], les associations rappellent d’abord les conséquences d’un réchauffement supérieur à 1,5°C par rapport aux niveaux de la période pré industrielle. 

Elles font ensuite état de rapports démontrant que l’entreprise est un contributeur majeur aux risques liés au réchauffement climatique.

Puis, elles rappellent les obligations qui pèsent sur cette société : obligation d’établir, publier, mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance.

Enfin, elles expliquent que leur plan de vigilance n’est pas conforme aux exigences légales de la loi sur le devoir de vigilance, ni aux obligations de limiter les risques climatiques résultant de leurs activités. Les associations mettent donc BNP Paribas en demeure de remédier à cela sous 3 mois, sous peine d’engager des poursuites.

 

Qu’est-ce que la loi sur le devoir de vigilance ?

 

La loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre prévoit que les sociétés les plus importantes[4] ont pour obligation d’établir un plan de vigilance et de le respecter.

La responsabilité des sociétés peut être engagée sur le fondement du non-respect de ces obligations.

 

A quoi sert le plan de vigilance ?

 

Le plan de vigilance rassemble des mesures visant à identifier ou prévenir des risques, des atteintes aux droits humains et libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, issus des activités d’une société.

La loi prévoit que le plan de vigilance doit contenir :

  • l’identification des risques analysés et hiérarchisés ;
  • des procédures d’évaluation régulière des filiales, sous-traitants, fournisseurs (par exemple, pour éviter que ces derniers mènent une activité illégale, comme l’exploitation des enfants par exemple) ;
  • des actions qui visent à atténuer les risques ou prévenir les atteintes graves :
  • des mécanismes d’alerte et de recueil des signalements ;
  • des dispositifs de suivi des mesures mises en place et d’évaluation de leur efficacité.

Ainsi, lorsqu’une société est mise en demeure de respecter ses obligations, comme c’est le cas pour la BNP Paribas, tout intéressé ayant intérêt à agir – comme les 3 associations – peut demander au juge d’ordonner à ladite société de respecter ses obligations. 

 

Qu’a répondu BNP Paribas ?

 

Le 24 janvier 2023, BNP Paribas a publié un communiqué de presse[5].

La société BNP Paribas a répondu en précisant que les énergies fossiles n’étaient plus la priorité en termes d’investissement. Elle assure qu’elle ne fait plus de financement de projet pétrolier depuis 2016, et qu’elle s’est déjà engagée à réduire de 25% l’encours de financement à l’extraction et la production de pétrole à l’horizon 2025 et à sortir définitivement du charbon d’ici 2030.

BNP Paribas s’engage à une plus forte accélération avec un encours de financement à l’extraction et à la production de gaz réduit de plus de 30% à l’horizon 2030.

Elle affirme que « à l’horizon 2030, BNP Paribas aura accompli à plus de 80% la transition de ses activités de financement à la production d’énergie vers le bas carbone ».

 

Une telle réponse suffit-elle aux ONG ?

 

Probablement pas ! Les mesures sont critiquées par les associations qui estiment qu’elles ne sont pas suffisantes.

D’ici peu, nous saurons si une action en justice sera intentée contre la société BNP Paribas. Affaire à suivre !

 

  • Mais les associations peuvent-elles facilement agir en justice ?

 

Les actions en justice peuvent être engagées aussi bien par des personnes physiques, comme vous chers lecteurs, que par des personnes morales telles que des sociétés, des collectivités territoriales, ou des associations.

Il est courant que des associations agissent pour la défense d’un intérêt commun. Mais attention, elles doivent pour cela respecter certaines conditions tenant notamment à leur intérêt à agir et à leur qualité pour agir.

Le droit impose la présence d’un « intérêt légitime » pour engager une action, c’est-à-dire un intérêt pour l’intéressé à ce qu’une décision soit rendue sur ses demandes[6].

S’agissant des associations agréées pour la protection de l’environnement, le droit a facilité leur droit d’agir en justice. Le code de l’environnement pose une présomption d’intérêt pour agir[7].

Cela signifie qu’elles sont réputées avoir le droit d’attaquer des décisions administratives devant les juridictions administratives (le juge de l’administration) dès que celles-ci peuvent avoir des conséquences pour l’environnement et qu’elles sont en lien avec l’objet social ou les statuts de l’association.

Ces associations peuvent également agir devant les juridictions judiciaires (litiges entre personnes privées comme vous et moi). Pour cela, elles doivent démontrer qu’est causé un préjudice aux intérêts qu’elles défendent et qu’une violation des lois protégeant l’environnement est avérée[8].  

Les associations qui nous intéressent ici ont déjà démontré leur intérêt à agir et leur qualité pour agir lors de leurs actions devant le juge administratif contre l’Etat ces derniers temps.

Reste à voir comment seront appréciées ces conditions devant le juge civil si une action contre BNP Paribas est engagée.

 

 

 

[1]http://paris.tribunal-administratif.fr/Actualites-du-Tribunal/Espace-presse/L-Affaire-du-Siecle-l-Etat-devra-reparer-le-prejudice-ecologique-dont-il-est-responsable

[2] Articles L.225-102-4 I et II et suivants du code de commerce

[3]https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/climat-bnp-paribas-mise-en-demeure-de-stopper-ses-soutiens-aux-nouveaux-projets-denergies-fossiles/

[4] Au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger

[5]https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-leader-affirme-du-financement-de-la-transition-energetique-engage-une-nouvelle-etape-de-forte-acceleration

[6] Article 31 du code de procédure civile

[7] Article L. 142-1 du code de l’environnement

[8] Article L. 142-2 du code de l’environnement

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