Alerte rouge : la facture de gaz explose

L’hiver approche à grands pas et pourtant, il vaudrait mieux pour vos porte-monnaies que vous évitiez d’abuser du chauffage.

Face à la hausse massive des prix du gaz, le Gouvernement a même annoncé un blocage des prix entre octobre 2021 et avril 2022.

Tout le monde en parle depuis plusieurs semaines, mais qu’est-ce qui se cache derrière la hausse fulgurante des prix de l’énergie ? Le droit n’est pas étranger à tout ça.

 

Pourquoi le prix du gaz augmente-t-il ?

Cette fois, ce n’est pas du droit. La France ne produit pas elle-même le gaz qu’elle consomme. Bien au contraire, elle en importe 99%, majoritairement de Norvège ou de Russie mais aussi des Pays-Bas, d’Algérie, du Nigeria ou du Qatar.

Il est donc compliqué de maîtriser les prix. La hausse des prix est la conséquence de plusieurs facteurs mais surtout :

  • du redémarrage de l’économie mondiale : eh oui, après des mois de pause forcée due au covid, les affaires reprennent et ça consomme de l’énergie !
  • de la baisse des stocks mondiaux de gaz à cause du froid et long hiver de l’année 2020,
  • du contexte géopolitique mondial et notamment de certaines tensions avec la Russie.

 

Quels prix seront bloqués entre octobre et avril ?

Les prix bloqués par l’Etat sont ceux qui sont réglementés. On parle de “tarifs réglementés du gaz naturel”, c’est-à-dire fixés par l’Etat une fois par an.

L’Etat décide du tarif après un avis d’une Commission indépendante qui est chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l’énergie, la “Commission de régulation de l’énergie” (“CRE”).

Ces tarifs sont les rescapés de l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture du gaz. Souvenez-vous, pendant très longtemps, les énergies gazières et électriques étaient en monopole d’Etat : les deux entreprises nationales, GDF (aujourd’hui Engie) pour le gaz et EDF pour l’électricité, distribuaient respectivement l’électricité et le gaz en appliquant des tarifs réglementés.

Ces tarifs fixés par l’Etat seront supprimés dès le 30 juin 2023 pour tous les particuliers ainsi que pour les copropriétés[1].

Seuls ces tarifs réglementés sont concernés par la mesure annoncée par le Gouvernement.

 

Petit indice : vous n’êtes concernés par cette mesure que si vous bénéficiez d’un contrat de fourniture de gaz avec Engie (l’ancien GDF) ou avec une entreprise locale de distribution du gaz comme Gaz de Bordeaux ou Énergies de Strasbourg et si vous avez conclu votre contrat avant la fin de l’année 2019.

 

Pourquoi certains tarifs ne sont-ils pas bloqués ?

Depuis août 2000, sous l’influence de l’Union européenne, les marchés de fourniture du gaz et de l’électricité ont été progressivement ouverts à la concurrence. Des entreprises autres que GDF et EDF peuvent désormais vous vendre du gaz ou de l’électricité.

Ces entreprises sont alors libres de fixer leurs prix. Mais parce que nous étions habitués à souscrire nos abonnements auprès de la même entreprise, historiquement en monopole, ces nouveaux entrants ont dû nous séduire ! Et pour cela, nombreuses ont été les offres proposant des prix bloqués durant plusieurs années.

Pour ces contrats aux prix fixés librement, l’augmentation des prix du gaz est donc pour l’instant supportée par les entreprises de fourniture du gaz, et non par les consommateurs via une augmentation du prix des abonnements.

Le Gouvernement n’a donc pris aucune mesure concernant les tarifs librement fixés par les entreprises.

Si toutefois ces tarfis explosaient également, la loi permettrait au Gouvernement d’intervenir en cas de difficulté durable d’approvisionnement, après consultation de l’autorité compétente pour gérer le fonctionnement des marchés : l’Autorité de la concurrence. En cas d’avis favorable de cette autorité, l’Etat pourrait alors réglementer les prix qui sont d’ordinaire librement fixés par les entreprises et limiter ainsi les hausses des prix[2].

 

Le Gouvernement ne peut-il pas bloquer les prix plus longtemps ?

Pour assurer la rentabilité d’Engie, la loi impose que les tarifs réglementés couvrent l’ensemble des coûts qui sont supportés par l’entreprise. Il s’agit notamment des coûts d’approvisionnement, des coûts de stockage, de transport, de commercialisation et de distribution de gaz.

Or, la hausse des prix du gaz étant due à des facteurs extérieurs, en bloquant les prix du gaz, l’Etat ne permet pas à Engie de faire face aux augmentations de prix que l’entreprise doit pourtant assurer.

En 2012[3], le Conseil d’Etat – le juge qui contrôle les actes du Gouvernement notamment – avait annulé le blocage des prix du gaz justement parce que les prix qui en découlaient ne permettaient pas de couvrir l’augmentation du coût d’approvisionnement en gaz naturel.

Il n’est donc pas certain que le Conseil d’Etat accepte un blocage des prix sur une durée conséquente.

 

Affaire à suivre !

 

 

 

[1] Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, article 63.

[2] Article L.410-2 du code de commerce.

[3] CE, 10 juillet 2012, SA GDF Suez et Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, n°353356 353555.

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