Transformer l’économie – ou comment consommer en restant sous les 2° c ?

Chose promise, chose due : voici notre point d’analyse sur le projet de loi climat ! Depuis le 29 mars 2021, ce projet est débattu par les députés. Dans cet article, Robin des droits revient sur le Titre I du projet de loi.

 

Cette partie du projet de loi reprend les propositions du groupe de travail « Consommer ». 

 

Que dit le projet de loi ? Est-ce conforme aux propositions des 150 citoyens ? A vous de voir !

 

[Article basé sur le projet de loi tel que transmis par le gouvernement. Les débats parlementaires vont probablement modifier le contenu de la loi]

 

A travers nos choix de consommation, nous contribuons collectivement aux émissions de gaz à effet de serre en France, mais également, de manière indirecte, dans le monde, partout où les biens que nous achetons sont produits. 

 

Partant de ce postulat, les 150 citoyens (« les 150 ») ont souhaité modifier en profondeur les pratiques de consommation des Français. Ils ont à ce titre proposé plusieurs mesures portant à la fois sur l’information environnementale, la publicité, les emballages, l’éducation et l’application des politiques publiques. C’est dire à quel point les dispositions relatives à la consommation présentes au sein du projet de loi auront des répercussions concrètes sur notre vie à tous.

 

  1. Informer, former, sensibiliser

 

L’affichage environnemental[1]. Vous connaissez le Nutri-Score ?[2] Grâce à cette échelle de couleurs, le consommateur est informé de la qualité nutritionnelle des produits lorsqu’il effectue son achat. Les 150 ont proposé de transposer cette idée avec un Co2-Score. Il s’agit d’informer le consommateur sur l’empreinte carbone des biens et services qu’il consomme, mais également de faire de l’impact carbone un sujet banal omniprésent dans notre quotidien. Une manière de mettre la question climatique au centre de nos préoccupations. 

 

Le texte du projet de loi reprend la proposition en prévoyant de généraliser l’affichage environnemental après une phase d’expérimentation volontaire de 5 ans. Cette phase d’expérimentation a pour objectif de permettre aux autorités d’élaborer la méthodologie qui servira à choisir la note attribuée à chaque produit. A ce stade, les critères qui détermineront le score des produits ne sont donc pas connus.

 

Cette idée n’est pas nouvelle. Une récente loi, en date du 10 février 2020, a déjà mis en place un dispositif d’affichage environnemental volontaire destiné à informer le consommateur sur les caractéristiques environnementales et/ou sociales de biens et services. A ce titre, une expérimentation a été initiée dès février 2020, durant 18 mois, pour définir les critères de notation des produits. 

 

Un flou perdure. La phase d’expérimentation prévue dans le projet de loi ne se superpose-t-elle pas avec celle actuellement en cours, mise en place par la loi du 10 février 2020 ? 

 

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 visait également à une transition vers une consommation sobre des ressources non renouvelables et à la lutte contre le gaspillage. L’un des objectifs phares de cette loi est la lutte contre la consommation des plastiques superflus. Souvenez-vous, depuis le 1er janvier 2021, vous ne pouvez plus boire votre coca cola avec une paille en plastique jetable… C’est l’un des nombreux apports de cette loi !

 

Éduquer[3]. Les 150 souhaitaient former et sensibiliser les citoyens, dès le plus jeune âge, à la consommation responsable. Pour cela, ils souhaitaient généraliser l’éducation à l’environnement à l’école, créer une nouvelle matière générale ainsi que mettre en place des comités à l’environnement et au développement durable au sein des écoles. Plus largement, les 150 proposaient de sensibiliser l’ensemble de la population française à l’urgence climatique en encourageant le bénévolat et la participation citoyenne. 

 

Le texte du projet de loi ne reprend pas toutes ces propositions. Les 150 jugent néanmoins les orientations du projet cohérentes avec leurs préconisations. Le texte généralise l’éducation à l’environnement et au développement durable tout au long de la formation scolaire. S’il ne crée pas de comités à l’environnement au sein des écoles, il élargit les missions des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté qui existent déjà au sein de chaque collège et lycée[4] pour y inscrire l’éducation au développement durable. 

 

La proposition tenant à la sensibilisation à l’urgence climatique de l’ensemble de la population française par l’incitation à la participation citoyenne n’est pas retenue par le Gouvernement. Cette proposition manquait néanmoins de précisions et relevait davantage de la recommandation. Le Gouvernement a par ailleurs estimé qu’il agissait déjà suffisamment pour sensibiliser les citoyens français à cette cause. A vous de juger !

 

  1. Encadrer et réguler la publicité

 

Marre des tonnes de papiers qui passent directement de la case boîte aux lettres à la case poubelle ? Bonne nouvelle, c’est peut-être bientôt terminé. Une expérimentation de 36 mois est retenue par le projet de loi afin d’évaluer les répercussions de l’interdiction de la distribution à domicile de tracts publicitaires, en l’absence d’un « oui pub » affiché sur la boîte aux lettres[5]. 

 

Fan des échantillons qui remplissent vos poches à la sortie des parfumeries ? Cette fois-ci, mauvaise nouvelle : sans demande expresse de votre part, la distribution d’échantillons de produits pourra être interdite[6]. 

En plus des échantillons et des tracts publicitaires dans les boîtes aux lettres, le projet de loi interdit la publicité sur les énergies fossiles[7]. Seuls l’essence, le gaz, les stations-services, les produits pétroliers sont concernés, et non l’ensemble des produits considérés comme les plus polluants. Si une telle mesure était adoptée, cela signifierait par exemple que les publicités pour les voitures seraient toujours autorisées, mais pas celles concernant l’essence qu’elles nécessitent. Le projet de loi interdit également les avions publicitaires[8]. 

 

Il met en place un « contrat climat » qui devrait être conclu entre les médias et les annonceurs et l’autorité qui encadre l’audiovisuel, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (« CSA »), fondé sur un « code de bonne conduite ». Si l’objectif est de réduire les communications commerciales audiovisuelles relatives à des produits ayant un impact négatif sur l’environnement, les engagements des annonceurs ne seront fondés que sur le volontariat. 

 

La publicité extérieure devra désormais être encadrée par le maire de chaque commune et non plus par le préfet[9], qui représente l’État central. Les collectivités (régions, départements et communes) pourront également encadrer la publicité et les enseignes situées à l’intérieur des vitrines d’un local commercial[10]. 

 

Mais qu’avaient proposé les 150 ? En matière de publicité, les 150 ont été force de proposition et ambitieux. Ils suggéraient :

 

    l’interdiction de la publicité des produits les plus polluants, sur tous les supports publicitaires ;

      l’interdiction de la publicité non choisie (panneaux publicitaires dans l’espace public ; avions publicitaires ; publicité numérique ; dépôt de publicité dans les boîtes aux lettres ; publicité sur les lots, remises et soldes ; remise d’échantillons en l’absence de demande expresse ; gains dans les jeux télévisés, radiophoniques, etc.) ;

      la mise en place de mentions incitant à moins consommer.

 

Le projet de loi ne reprend donc que partiellement les propositions de la convention citoyenne sur la publicité. Les autres propositions des 150 n’ont pas été reprises par le Gouvernement. En l’état, certains commentateurs dénoncent un texte insuffisant qui n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques. Les députés et sénateurs changeront-t-ils la donne ? Un peu de patience, le texte est en débat !

 

  1. Accélérer le développement de la vente en vrac et de la consigne du verre

 

L’objectif poursuivi par les 150 était de limiter le suremballage et l’utilisation du plastique à usage unique. A cette fin, ils proposaient de mettre en place progressivement une obligation de vente en vrac dans tous les magasins et dans les centrales d’achat (jusqu’à 50% de la surface dès 2030) d’instaurer un système de consigne de verre lavable et réutilisable obligatoire dès 2025, de favoriser les emballages biosourcés compostables et de remplacer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour inciter les comportements écoresponsables.

 

Le projet de loi ne reprend que partiellement ces propositions. Il fixe un objectif de 20% de surfaces de ventes dédiées au vrac dans les commerces de vente dont la surface est supérieure à 400 m² à partir de 2030[11]. La mise en place de dispositifs de consigne pour les emballages en verre pourra également être généralisée à partir de 2025[12]. 

Pourtant, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage, qui n’est pas encore mise en oeuvre, prévoit déjà la mise en place d’un dispositif de consigne mixte pour recyclage et réemploi au terme d’un bilan réalisé en 2023. 

Bon alors, le projet de loi est-il proche des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat ? 

Le projet porté par le Gouvernement, qui fait actuellement l’objet de modifications par les parlementaires, ne reprend pas l’ensemble des recommandations des 150 relatives à la consommation.

Il s’agit dans certains cas d’un choix politique lié par exemple à un arbitrage avec des enjeux économiques et sociaux mais également parfois de choix liés à la lisibilité de la norme.

Récemment, différentes lois – et surtout la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage – ont modifié les règles applicables en matière de consommation. Or parfois, il peut être contreproductif d’ajouter des règles alors que les précédentes n’ont pas eu le temps d’être appliquées efficacement.

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[1] Article 1 du projet de loi.

[2] Le Nutri-Score est un étiquetage situé sur les emballages des produits alimentaires, permettant aux consommateurs d’accéder à l’information relative à la qualité nutritionnelle des aliments. Ce système d’étiquetage est basé sur une échelle de 5 couleurs allant du vert foncé au orange foncé.  

[3] Articles 2 et 3 du projet de loi. 

[4] Ces comités sont présidés par le chef d’établissement et constituent des instances de réflexion qui met en place des projets éducatifs en matière d’éducation à la citoyenneté et à la santé et de prévention de la violence. 

[5] Article 9 du projet de loi. 

[6] Article 10 du projet de loi.

[7] Article 4 du projet de loi. 

[8] Article 8 du projet de loi. 

[9] Article 6 du projet de loi.

[10] Article 7 du projet de loi. 

[11] Article 11 du projet de loi.

[12] Article 12 du projet de loi.

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